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Déjeuner-rencontre sur la question ouïghoure, des origines de la crise aux conséquences sur la diaspora.

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Le mercredi 4 décembre 2019, Fedactio, Intercultural Dialogue Platform et Others ont eu le plaisir d'accueillir Mme Vanessa Frangville, sinologue et directrice de recherche à l'ULB, pour un déjeuner rencontre sur la question ouïghoure. Au cours de sa présentation, Mme Frangville est revenue sur les origines de la crise ouïghoure, sur ce que l'on sait des camps et des différentes formes de violences assimilationnistes subies par cette minorité chinoise, et sur l'impact de la situation sur sa diaspora et son activisme.

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Dans un premier temps, Mme Frangville a exposé les origines de la crise au Xianjiang qui, si elle ne date pas d'hier, s'est accentuée ces derniers mois suite aux révélations sur la détention massive d'Ouïghours dans des camps d'internement, et des nombreux témoignages de torture et de mauvais traitement infligé à cette minorité ethnique par les autorités chinoises. Pour Beijing, le maintien sous contrôle de cette région sensible est devenu un enjeu prioritaire, ce qui a mené le gouvernement à considérer les minorités comme une "menace interne" ("bianjiang").
Contrairement au discours officiel qui affirme que la région est de longue date sous "protection" de l'Empire chinois, la région a été annexée par la force au cours du XVIIIe siècle. Ces dernières années le gouvernement a déployé toute son ingénieure sociale pour contrôler, classifier et hiérarchiser les minorités ethniques. En ressort un imaginaire colonial et paternaliste où l'ethnie majoritaire Han est perçue comme guidant la nation et garantissant l'harmonie entre les peuples. Si cette cartographie ethnique fut dans un premier temps présentée comme un outil de protection des droits des non-Hans, elle s'est avérée servir une politique d'acculturation et de sinisation par l'assimilation ("ronghe") à la majorité Han pour maintenir une "grande unité" ("datong").

Si la Chine a sur son territoire plus de 56 minorités ethniques, la région du Xianjiang est une des régions les plus cruciales pour le pouvoir central chinois, puisqu'elle dispose de large ressources minières et énergétiques et jouit d'une position stratégique puisque traversée par les nouvelles routes de la soie, ces nouvelles liaisons commerciales que tente de déployer la Chine. Les minorités qui y résident sont perçues comme des menaces à l'intégrité territoriale et potentiellement manipulées par des "forces extérieures hostiles".

Pour prendre le problème a bras le corps, les autorités chinoises ont misé sur le développement économique comme outil d'assimilation des minorités ethniques. C'est dans cette optique que le gouvernement a déployé le "Bingtuan", le Corps de production et de construction du Xinjiang, 
Les objectifs déclarés du Bingtuan sont le développement des régions périphériques, la promotion du développement économique, l'assurance de la stabilité sociale et de l'harmonie ethnique. En réalité le Bingtuan a poussé des millions de Hans, l'ethnie majoritaire en Chine à s'installer dans la région à travers des colonies de peuplement et le développement d'infrastructures propres, menant à un basculement démographique et à une marginalisation des Ouïghours et de leur culture. Aujourd'hui ces colonies de peuplement abritent plus de 2,6 millions de Hans (11,7% de la population), et la région compte au total plus de 40% de Hans.

Outre ses mouvements de population, la Chine a progressivement mis en place une surveillance systématique des Ouïghours à travers le renforcement de la présence policière et militaire, le déploiement de checkpoints mobiles, la collecte des données sur les smartphones ou l'établissement de bases de données ADN. Selon Mme Frangville cette surveillance massive a pour objectif d'identifier tout individu potentiellement subversif. Dans le cadre de cette politique de contrôle et d'assimilation, l'islam est présenté par les officiels chinois comme "une maladie", "un diable", "un hallucinogène", "un poison", "une cellule cancéreuse" qu'il faut empêcher de se reproduire, de se multiplier et qu'il faut expurger sans la moindre pitié des esprits. On voit apparaître une véritable pathologisation de la religion où il est question de "supprimer le virus", de "rétablir la santé mentale des individus touchés" et de les "traiter par hospitalisation".

Le Uyghur Human Rights Project a identité 48 raisons d'être interné parmi lesquelles : la possession d'un compas ou de matériel de soudure, l'abstention d'alcool ou de cigarettes, prendre son petit-déjeuner avant l'aube, connaître une personne ayant voyagé à l'étranger, utiliser WhatsApp ou ne pas avoir installé une application officielle de surveillance et de collecte de données, avoir trop d'enfants, ou refuser qu'un fonctionnaire d'État séjourne chez vous et profite de votre lit et de votre nourriture. Ce dernier point s'inscrit dans le cadre de la campagne "Devenir une famille" qui impose aux foyers ouïghours la visite de fonctionnaires. Au cours de ces visites, les familles sont obligées de fournir des informations personnelles sur leurs vies et leurs opinions politiques, et de participer à des activités d’endoctrinement. Ces facteurs sont autant de lignes rouges à ne pas dépasser pour ne pas finir dans un camp de détention. Aujourd'hui de nombreux faisceaux de preuves convergent pour rapporter un nombre considérable de disparitions, d'enlèvements et d'internements ; c'est au total plus d'un million d'individus qui seraient internés dans des camps de "rééducation" et seraient régulièrement employés pour des travaux forcés.

Mme Frangville a aussi souligné le nombre important de témoignages anonymes qui s'accordent à dénoncer les mauvais traitements infligés aux Ouïghours. Peu d'individus osent s'exprimer sur la question vu la chape de plomb totalitaire et le climat de peur qui se sont durablement installés. Le harcèlement et les tentatives d'intimidation s'étendent également à la diaspora où beaucoup redoutent des répercutions sur leurs proches restés en Chine. En résulte une mobilisation et un activisme assez confidentiel et informel, plus individuel qu'institutionnel. La plupart des activistes ont pris leur distance avec les mouvements de protestation institutionnalisés car souvent perçu comme trop risqués et politisés. À leur place sont apparues des formes individualisées d'action collectives collective, notamment des vidéos-témoignages demandant aux autorités chinoises de fournir une preuve de vie des nombreuses personnes disparues et leur diffusion massive sur les réseaux sociaux (#MeTooUyghur). Ces vidéos-témoignages en menés à quelques libérations.

Pour terminer, Mme Frangville a souligné que la viabilité des mouvements de protestation dépendait également des l'attitude des pays hôtes de la diaspora. Elle a témoigné de la pression accrue des autorités chinoises, y compris au sein de son université.
En conclusion, elle appelle à mener une importante réflexion sur la complaisance, voir la complicité de nos États vis-à-vis de la politique chinoise. Nos relations économiques avec la Chine ne devraient pas nous empêcher d'être fermes sur les questions des violations des droits humains.

Fedactio et ses partenaires remercient Mme Frangville pour sa brillante présentation.
Mme Frangville est responsable de la Chaire d’études chinoises à l’Université libre de Bruxelles (ULB) et directrice du centre de recherche EASt sur l'Asie de l'est, au sein de la Maison des sciences
humaines de l'ULB. Ses recherches portent sur les liens entre productions culturelles et politiques ethniques en République populaire de Chine. Elle a publié notamment sur le cinéma tibétain et les représentations des ethnies dans le cinéma chinois. Elle mène actuellement deux projets en lien avec les Ouïghours: l'un sur la place des femmes dans l'activisme ouïghour en Europe depuis 2017; l'autre sur les modes d'expression culturelle de la diaspora ouïghoure en Europe.

Cet événement était organisé par la plateforme "Droits humains et Solidarité" de Fedactio en partenariat avec Others, association de défense des droits humains qui travaille sur le sort des prisonniers politiques à travers le monde et plus particulièrement en Turquie ; et Intercultural Dialogue Platform (IDP) qui nous accueillait dans ses locaux. IDP fait la promotion du dialogue entre les communautés, de l’intercompréhension mutuelle et de la paix sociale. Dans cette optique IDP a l’habitude d’organiser des rencontres sur des enjeux tels que la prévention à la radicalisation, la compréhension du fait religieux ou du contexte géopolitique.
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