Le mardi 12 novembre 2019, Fedactio et Intercultural Dialogue Platform ont accueilli Mme Amélie M. Chelly, docteur en sociologie et spécialiste des islams idéologiques, pour un déjeuner-rencontre et présentation de son ouvrage « En attendant le paradis : anatomie des radicalisations ». La discussion s'est principalement portée sur les discours et motivations des personnes radicalisées.
Les recherches de Mme Chelly se sont principalement concentrées sur les discours et motivations des acteurs et contre-acteurs de la radicalisation en France et en Belgique, et notamment les nombreux Européens parmi rejoindre ou combattre l’État islamique en Syrie et en Irak. Dans son ouvrage elle met en lumière les « vulnérabilités individuelles » qui ont pu conduire des individus à adopter un discours idéologique radical avant le passage à l'acte violent ; la radicalisation idéologique est ici présentée comme l'antichambre de la violence.
En retraçant l’évolution du jihadisme mondialisé depuis les années 1990, elle distingue 3 générations distinctes d'islamistes radicaux en Europe. La première (1990-2003) est composée de jeunes européens parti rejoindre le jihad islamique durant la guerre de Bosnie, la seconde (2003-2011) coïncide avec l’augmentation des attaques terroristes en Europe, enfin la dernière (2011-…) correspond à la crise syrienne et à l’émergence de l’État islamique.
Dans son ouvrage, Mme Chelly s’est attelée à établir une typologie des radicalisés, afin de souligner les similarités et traits distinctifs des différents profils. Le premier point commun est l’emploi du concept de « Jahiliya », ou "temps de l’ignorance", qui désigne dans la terminologie musulmane classique l’ère pré-islamique. Chez les radicalisés ce concept est ramené sur le plan individuel et est intériorisé ; ces derniers souhaitent rompre avec la société, avec leur passé, pour mieux renaitre sous un nouveau nom, une nouvelle identité. Un second point commun peut être repéré dans l’essence révolutionnaire du jihadisme. Le radicalisé n’entend pas transformer la société mais la détruire pour ensuite rebâtir une société idéalisée sur ses cendres. Il refuse toute forme de compromission ; ce n’est pas à lui de s’adapter à la société, mais à la société de s’adapter à son idéologie radicale. Le troisième point commun est à la fois une recherche constante de la mort en martyr sur le champ de bataille (un concept emprunté au chiisme mais réinterprété par les jihadistes sunnites) et une esthétisation de la mort.
Du point de vue des différences, il est notable que la troisième génération de jihadistes a revu la traditionnelle hiérarchie des ennemis à combattre et placé les musulmans chiites en première ligne de son action militaire, tout en reléguant le conflit israélo-palestinien au second plan. Israël est d'ailleurs souvent présenté comme une création des chiites, et ces derniers ont pour malheur, en plus d'être des infidèles, de prétendre représenter l'islam. En outre, ce nouveau jihadisme fait de la conquête de nouveaux territoires et l’imposition de la Sharia une nécessité de premier plan, ce qui n’était pas le cas pour les groupes jihadistes précédents comme Al Qaida. On peut également noter l'usage de différents ressorts de propagande en fonction des publics cibles. Si dans les pays musulmans on vend surtout aux jihadistes la possibilité de se racheter, de plaire à Dieu, de redorer leur honneur ; en Occident les recruteurs caressent plutôt leur ego en instant sur leur rejet par la société, et
Enfin, Mme Chelly a pris le temps de développer les motivations qui ont pu mener un certain nombre de femmes à rejoindre les rangs de l’État islamique. Deux points de vulnérabilité ressortent. Premièrement une forme de déception vis-à-vis du féminisme et de la lutte pour l’égalité des genres qui ont selon elles contribué à la détérioration de leurs conditions de vie. Enfin la recherche d’une virilité perdue, qui se concrétise en une protection physique et une capacité à tenir parole, notamment dans le cadre du mariage.
Après cette brillante présentation, différents aspects tels que le renversement de la hiérarchie des adversaires ou la confusion entre la radicalisation et le rigorisme ont pu être développés suite aux questions des participants.
En retraçant l’évolution du jihadisme mondialisé depuis les années 1990, elle distingue 3 générations distinctes d'islamistes radicaux en Europe. La première (1990-2003) est composée de jeunes européens parti rejoindre le jihad islamique durant la guerre de Bosnie, la seconde (2003-2011) coïncide avec l’augmentation des attaques terroristes en Europe, enfin la dernière (2011-…) correspond à la crise syrienne et à l’émergence de l’État islamique.
Dans son ouvrage, Mme Chelly s’est attelée à établir une typologie des radicalisés, afin de souligner les similarités et traits distinctifs des différents profils. Le premier point commun est l’emploi du concept de « Jahiliya », ou "temps de l’ignorance", qui désigne dans la terminologie musulmane classique l’ère pré-islamique. Chez les radicalisés ce concept est ramené sur le plan individuel et est intériorisé ; ces derniers souhaitent rompre avec la société, avec leur passé, pour mieux renaitre sous un nouveau nom, une nouvelle identité. Un second point commun peut être repéré dans l’essence révolutionnaire du jihadisme. Le radicalisé n’entend pas transformer la société mais la détruire pour ensuite rebâtir une société idéalisée sur ses cendres. Il refuse toute forme de compromission ; ce n’est pas à lui de s’adapter à la société, mais à la société de s’adapter à son idéologie radicale. Le troisième point commun est à la fois une recherche constante de la mort en martyr sur le champ de bataille (un concept emprunté au chiisme mais réinterprété par les jihadistes sunnites) et une esthétisation de la mort.
Du point de vue des différences, il est notable que la troisième génération de jihadistes a revu la traditionnelle hiérarchie des ennemis à combattre et placé les musulmans chiites en première ligne de son action militaire, tout en reléguant le conflit israélo-palestinien au second plan. Israël est d'ailleurs souvent présenté comme une création des chiites, et ces derniers ont pour malheur, en plus d'être des infidèles, de prétendre représenter l'islam. En outre, ce nouveau jihadisme fait de la conquête de nouveaux territoires et l’imposition de la Sharia une nécessité de premier plan, ce qui n’était pas le cas pour les groupes jihadistes précédents comme Al Qaida. On peut également noter l'usage de différents ressorts de propagande en fonction des publics cibles. Si dans les pays musulmans on vend surtout aux jihadistes la possibilité de se racheter, de plaire à Dieu, de redorer leur honneur ; en Occident les recruteurs caressent plutôt leur ego en instant sur leur rejet par la société, et
Enfin, Mme Chelly a pris le temps de développer les motivations qui ont pu mener un certain nombre de femmes à rejoindre les rangs de l’État islamique. Deux points de vulnérabilité ressortent. Premièrement une forme de déception vis-à-vis du féminisme et de la lutte pour l’égalité des genres qui ont selon elles contribué à la détérioration de leurs conditions de vie. Enfin la recherche d’une virilité perdue, qui se concrétise en une protection physique et une capacité à tenir parole, notamment dans le cadre du mariage.
Après cette brillante présentation, différents aspects tels que le renversement de la hiérarchie des adversaires ou la confusion entre la radicalisation et le rigorisme ont pu être développés suite aux questions des participants.
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