Le mercredi 7 Novembre 2018, Fedactio a eu le l’honneur de s’entretenir avec Qutayba Al Ahmad, un réfugié syrien qui vit en Belgique depuis 5 ans. Il a 27 ans, est marié, père de deux enfants constamment apprendre. Dans l’entretien qui suit, l’accent est surtout mis sur son parcours.
Propos recueillis par E. Denaux et A. Thiry
Comment t’es-tu retrouvé en Belgique ?
Au bout d’un long périple : je suis d’abord passé de la Turquie à la Grèce en bateau, et de là je me suis rendu en Italie. Ensuite j’ai pris un train pour la France, et de France un bus pour la Belgique. Par chance, ma femme et mes enfants n’ont pas eu à prendre une route si difficile. Ils ont pu me rejoindre en Belgique en avion.
Que peux-tu nous dire sur ta vie en Syrie ?
Avant 2011 tout était normal. Je suis d’abord allé à l’école avant d’entamer des études de management à l’université. De temps en temps j’aidais le commerce de mes parents en vendant des fruits et légumes. Après 2011 tout a changé, à cause de la guerre je ne pouvais plus aller à l’université. J’ai été arrêté par l’armée syrienne et j’ai été emprisonné durant une courte période. Après cet incident, j’ai décidé d’arrêter mes études, en partie sur insistance de mes parents qui trouvaient ça trop dangereux. Ils avaient peur pour ma sécurité si je continuais à me rendre à l’université. Du coup je suis resté à la maison et me suis retrouvé sans emploi pendant deux années. J’ai essayé de faire un peu de volontariat. Par exemple, j’aidais les blessés à l’hôpital du coin. Mais ensuite l’hôpital a été bombardé et je ne pouvais plus rien faire pour aider. Je me sentais inutile, déprimé, ça m’a encouragé à m’enfuir.
Est-ce que tu vois encore ta famille ?
Seulement via WhatsApp ou Facebook. Ils sont restés en Syrie et je ne peux plus leur rendre visite, ça serait trop dangereux. Je suis ici depuis 5 ans et je ne les ai plus revus depuis que je suis parti. C’est difficile pour mes parents… Ils veulent rester là-bas car tout ce qu’ils ont construit est en Syrie. C’est difficile pour eux de tout abandonner. Pour moi c’était plus facile. Quand j’ai quitté la Syrie, j’avais 23 ans et je voulais commencer une nouvelle vie. Un tel changement n’est pas facile pour des personnes plus âgées, à cause de la barrière linguistique et parce qu’ils ne retrouveront pas de travail facilement.
As-tu déjà pensé à retourner en Syrie ?
Pas tant que mes enfants n’y seront pas en sécurité. Si la situation n’évolue pas, je n’y retournerai jamais. Je souhaite un bel avenir à mes enfants. La Belgique est un pays sûr, un pays où les droits humains sont respectés. Dans ce pays, je n’ai plus à m’inquiéter à chaque instant, je n’ai plus peur. Au cours des cinq dernières années passées ici je ne me suis jamais senti en danger.
Qu’est-ce qui est le plus important pour toi en Belgique ?
Le plus important pour moi c’est de pouvoir connaitre différentes personnes, d’avoir l’occasion d’apprendre et de pratiquer la langue. Quand je suis arrivé ici, je ne connaissais personne, mais j’ai commencé à travailler bénévolement pour Eat. J’ai ainsi fait la connaissance d’autres personnes, j’en ai appris plus sur leur culture, sur la société belge. À côté du travail, j’ai voulu m’investir dans d’autres activités. Par exemple, je fais du travail social dès que j’ai un peu de temps libre. J’organise parfois des activités avec Nekkersdal et l’ASBL KWB. Le 12 décembre par exemple, j’organise un atelier culinaire axé sur les spécialités syriennes. C’est l’occasion pour moi de faire découvrir aux gens la cuisine syrienne. J’ai beaucoup appris sur la culture belge et flamande, mais il me reste tant à apprendre…
Quelles sont les plus grandes différences entre la Belgique et la Syrie d’après toi ?
Il y a de nombreuses différences entre la Belgique et la Syrie. La police par exemple est organisée différemment, les politiciens ne sont pas corrompus. En Syrie, les politiciens n’œuvrent que dans leur intérêt personnel, ils ne font que remplir leurs poches. La culture syrienne est très différente. Même si les salles de spectacles, cinémas, théâtres sont bien implantés en Syrie, je préfère ceux de Belgique, car le gouvernement y investit et les gens s’y intéressent plus. Les centres culturels font de leur mieux pour promouvoir la culture, ce qui n’est pas forcément le cas en Syrie. La société syrienne est fermée. Tout est bien plus ouvert en Belgique, les femmes ont des droits égaux, la liberté d’expression est valorisée, les gens peuvent dire ce qu’ils veulent de l’Eglise, des politiciens et même du roi. En Syrie, vous ne pouvez pas dire ce que vous pensez à un imam ou critiquer le président.
Comment vois-tu l’avenir pour toi et ta femme ?
En ce moment, ma femme suit des cours de néerlandais et elle aimerait suivre une formation avant de chercher un emploi.
Merci beaucoup de nous avoir accordé cet entretien.
Lien vers l'entretien vidéo : https://youtu.be/tLGg6NIbcfo
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